Grand, humble et immortel

Il était aussi grand qu’il était humble et simple. Il aimait les gens et descendait chercher les plus petits pour les valoriser. La science était son oxygène et la générosité son carburant. Son héritage est immense et indélébile. Le Cameroun et Bandjoun ne peuvent qu’être fiers d’avoir eu un tel fils.

L’annonce de la disparition du Pr Lazare Kaptué le 12 avril 2021 avait déclenché un concert d’émotions et d’éloges funèbres. Si les éloges de convenance étaient de mise comme c’est souvent le cas, il y a eu des témoignages vrais, authentiques en l’honneur du plus grand épidémiologiste de notre pays et de l’Afrique et d’un des plus brillants fils Bandjoun. Nous avions pu rassembler ces trois réactions à chaud de personnalités l’ayant connu : «Quand je salue mon maître, même étant vieux médecin, c’est toujours avec révérence… Quand il te sourit, te reconnaît, te félicite… tu te sens pousser des ailes. Les gens modestes c’est le professeur Mbédé et Pr Kaptué. Des médecins d’abord. Les derniers spécimens encore en vie sont Pr Abena, la ministre, Pr Tetanye. Des simples humains. Assez rare pour des personnes ayant exercé ou exerçant des hautes fonctions. Un directeur emblématique au Minsanté et un pionnier dans la lutte contre le Vih… Enseignant à la Fac, Acteur de premier plan dans la création et la gestion de l’université des Montagnes. Il a participé à la décentralisation de la santé au Cameroun.» Ainsi parle un médecin passé par le moule du Pr Lazare Kaptué qui essaie de suivre les pas de son illustre maître.

Un chantre du progrès

«Lorsque tu sollicitais une interview, le Pr Kaptué  te demandait à quelle il peut passer te voir. A chaque fois, j’étais obligée de toujours lui répondre : Non, professeur, c’est moi qui viens vers vous. D’une gentillesse inouïe.» Foi d’une journaliste radio de renom, présentatrice vedette du 13 heures.

«Simple et avenant, vocabulaire choisi et accessible, empathique, presque paternel. Vient le Sida. La riposte s’organise d’abord autour de lui. Cheville ouvrière de la première conférence internationale sur le sida en Afrique. Après la riposte au Vih s’autonomisera au Cnls. Mais Kaptué Noche est déjà sur d’autres fronts : clinique à Bastos, maire de sa commune dans l’ex Mifi, co-promoteur de l’Université des Montagnes. Ce fut une bonne et belle vie.»

On pourrait en citer davantage, un livre ne suffirait pas pour rendre hommage au Pr Lazare Kaptué. Scientifique de haut vol, il s’est battu toute une vie pour que ses connaissances profitent au maximum à son pays et ses concitoyens. Mais aussi à son continent où il était régulièrement sollicité pour son expertise en matière de politique de santé en l’occurrence de transfusion sanguine et d’assurance maladie. Une carrière administrative pleine et appréciée. Le seul défaut qu’on lui reconnaissait unanimement est résumé dans ce sobriquet qu’on lui avait collé quand il était Directeur de la Santé au ministère de La Santé : « L’homme qui ne veut pas manger et empêche les autres de manger ». Grand seigneur, il ne savait pas comment et ne comprenait pas qu’on attente à la fortune publique. C’est ainsi qu’il avait réussi à faire l’unanimité contre lui dans la foule des prévaricateurs.

L’Adn de l’UdM

Riche de son savoir, il l’était aussi de sa philosophie qui consistait à se contenter de ce qu’on a et partager avec les autres ce qu’il a. Aussi par exemple, avait-il mis à contribution son énergie, ses connaissances, son entregent ici et ailleurs, ses moyens financiers pour permettre la naissance et le fonctionnement de l’UdM (Université des Montagnes) qu’il laisse en bon état de marche. Le combat d’une vie dont il parlait avec un discret sourire de satisfaction. Un sourire qui disparaissait aussitôt lorsqu’il devait aborder la question de la transfusion sanguine au Cameroun ou celle de l’assurance maladie. Deux projets qu’il a portés à bout de bras, défendu avec hargne et passion partout où besoin était, mais qui ne jamais vu le jour alors même qu’il avait réussi à en implémenter dans d’autres pays africains comme le Tchad ou le Rwanda. Décidément, nul n’est prophète chez soi ! Son passage à la mairie de Demdeng est un autre marqueur important de sa vie. Ici, comme tout bon maire, il s’était rapproché des populations dont il partageait le quotidien pendant de nombreuses années. Il avait clairement refusé d’être investi comme député, préférant être investi pour la mairie où il estimait être plus utile.

Quand on dit qu’en Afrique les morts ne sont pas morts, quand on observe la vie et l’œuvre du Pr Lazare Kaptué, on peut affirmer que certains ne le sont pas plus que d’autres. Autrement, il est plus que jamais vivant à travers l’envergure de ses empreintes sur cette terre.

On peut utilement relire le portrait que lui avait consacré le magazine de Fegu’ en 2019, article que l’on peut également retrouver sur le site du journal en ligne camer.be.

DF